L’avion de ligne, de fabrication chinoise de Comac, a effectué son premier vol commercial entre Shanghai et Pékin le 28 mai 2023. Ainsi le C919 se pose en nouveau concurrent face au duoaero Airbus-Boeing, mais menace plus directement la dynamique commerciale de l’avionneur européen.

Le C919, l’avion de la Chine compte bien se faire une place au soleil dans le transport aérien. Le premier court moyen-courrier «made in China» fait un tournant pour le pays qui a pour ambition de concurrencer les géants Européen et Americain (Airbus-Boeing), les deux grands se partageant jusque-là le marché de l’aviation civile commerciale sans rencontrer de véritable rival sur leur route. Ce vol fait suite à la certification fournie par les autorités chinoises en septembre 2022 auprès du constructeur Comac, bras armé de l’Etat chinois en matière d’aéronautique civile.

Mais l’appareil de la compagnie China Eastern Airlines(COMAC), livré en décembre 2022, a assuré le vol MU9191 entre Shanghai et Pékin en une trentaine de minutes, générant d’innombrables photos et vidéos sur les réseaux sociaux. Au total, 130 passagers ont pu monter à bord de l’appareil d’un blanc immaculé. Un événement attendu de longue date par les autorités chinoises, le programme C919 ayant cumulé plus de cinq ans de retard sur le calendrier initial. Lancé en 2007, ce monocouloir capable de transporter jusqu’à 164 passagers vient pour concurrencer directement les A320neo, et les Boeing 737MAX, versions modernisées de leurs monocouloirs historiques.

A l’idée, nous commercialistes nous demandons vraiment si le C919 est-il en mesure de fissurer le duopole ? Certes, à court terme, la menace semble faible. D’abord parce que les autorités européennes (AESA) et américaines (FAA) n’ont pas encore certifié l’appareil, cantonnant son exploitation possible à la Chine et à quelques autres pays alliés.

Ensuite parce que le niveau de commandes enregistré par la Comac reste très inférieur à ceux d’Airbus et de Boeing, qui ont par ailleurs remotorisé leurs monocouloirs au début de la décennie 2010 en réaction à l’offensive chinoise. Quand le premier revendique environ 1200 commandes de son C919, l’avionneur européen en aligne plus de 8700 pour l’A320neo et l’américain plus de 5400.

Il reste que le C919 promet de monter en puissance, ce qui sera d’autant plus dommageable pour Airbus. En raison des tensions géopolitiques entre Pékin et Washington, aucune compagnie aérienne chinoise n’a passé commande pour des appareils de Boeing depuis bientôt six ans. La Chine a d’ailleurs été le dernier pays à lever, en janvier 2023, l’interdiction de vol du 737 MAX qui frappait l’appareil depuis mars 2019 suite aux deux crashs mortels. Airbus est donc bien plus exposé à la nouvelle concurrence chinoise que son rival américain, ce dernier ayant d’une certaine façon fait le deuil de ce marché pour un moment encore. Et ce d’autant plus que l’Etat chinois est en capacité d’influer sur les stratégies commerciales des compagnies aériennes locales et ne manquera pas de faire jouer la fibre patriotique. Ce qui est déjà en cours… Même si le C919 va dans un premier temps se concentrer sur la Chine, l’enjeu commercial de ce seul marché est immense, tout comme le potentiel manque à gagner pour Airbus :

selon les prévisions de l’avionneur européen, sur les quelque 40 000 avions neufs prévus dans les 20 prochaines années, plus de 8400 seront destinés à la Chine, dont 84% de monocouloirs. En clair, le pays représente à lui-seul un cinquième du marché aéronautique mondial. Encore récemment, Airbus a engrangé d’importantes commandes, telle que celle effectuée par plusieurs compagnies chinoises pour 292 A320neo, finalisée à l’été 2022.

A contrario, Airbus devrait de moins en moins bénéficier du boycott non officiel de la Chine vis-à-vis de Boeing. Alors que Comac vise d’ici quelques années une capacité de production de 150 C919 par an, Airbus a annoncé en avril le lancement d’une deuxième ligne d’assemblage pour son A320neo à Tianjin, où l’avionneur européen assemble depuis 2008 environ quatre appareils par mois. L’avionneur européen s’empresse de répondre au plus vite aux besoins des compagnies chinoises avant que celles-ci n’aient pleinement la possibilité d’opter pour le C919.

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