Les 22 et 23 juin prochains sont annocées à Paris le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, sous l’égide du Président Emmanuel Macron, de la présidence indienne du G20, et de la Première ministre de la Barbade Mia Mottley.

L’objectif consiste à poser des bases d’un nouveau système pour relever les défis mondiaux communs dans la lutte contre les inégalités, le changement climatique et la protection de la biodiversité. Aussi, de définir les principes des réformes à venir et de fixer une ligne directive vers un partenariat financier plus équilibré entre le Sud et le Nord. Dans un contexte où le multilatéralisme suscité et de crises environnementales accentués, mettra des bloques des nations nécessairement sous tension ?

Si et seulement si les motivations présntées à ce sommet sont aussi fortes, c’est que les attentes sont très importantes. Comme le rappellent les Nations unies, le constat fait sur l’incapacité de l’architecture internationale actuelle à remplir ses missions essentielles et à soutenir un financement stable à long terme en faveur des Objectifs de développement durable est largement partagé.

Les retards orchestrés dans la mise en application de l’Accord de Paris, et de l’Agenda 2030 apparaissent de plus en plus face aux besoins de financement non accomplis,  justemment à cause de l’incapacité de l’architecture financière internationale à diriger les ressources à l’échelle et à la vitesse nécessaires vers les économies les plus vulnérables du monde. Le secrétariat général des Nations unies pense que cet échec constitue une menace croissante et systémique pour le multilatéralisme lui-même, car il entraîne une aggravation des disparités, de la fragmentation géoéconomique et des fractures géopolitiques à travers le monde.

En début d’année 2023, 52 pays en développement à revenu faible ou intermédiaire, représentant plus de 40 % de la population la plus pauvre du monde, étaient soit en situation de surendettement, soit exposées à un risque élevé de surendettement ; parmi eux, 25 ont des remboursements du service de la dette extérieure supérieurs à 20 % de leurs recettes totales. Les coûts d’emprunt sont ainsi plus élevés pour les pays en développement sur les marchés financiers, surtout en tenant compte du risque de défaillance et de la volatilité des marchés, et de nombreux gouvernements endettés sont incapables d’investir suffisamment dans la réalisation des droits fondamentaux en matière de santé, d’éducation et de protection sociale. L’accès des pays aux liquidités en temps de crise varie considérablement, et seule une petite partie des droits de tirage spéciaux (DTS) est allouée aux pays en développement : le continent africain, qui abrite 1,4 milliard de personnes et plus de 60 % de l’extrême pauvreté dans le monde, n’a ainsi reçu que 5,2% de la dernière émission de DTS. 

De ce fait, les pays à faible revenu réclament de plus en plus de progrès sur des questions telles que l’allègement de la dette, et dénoncent l’incapacité des pays riches à respecter les engagements mondiaux existants, comme celui de contribuer à hauteur de 100 milliards de dollars de financement climatique chaque année. Aujourd’hui, les flux de financement de la lutte contre le changement climatique n’atteignent pas les pays qui en ont le plus besoin, mais sont orientés là où il est le plus rentable. Au résultat, l’endettement des pays les plus pauvres ne fait qu’augmenter, et les rend encore plus vulnérables à la prochaine catastrophe. Cest là que se trouve toute la défaillance et les enjeux crucieux.

Le défi pour le sommet de juin n’est donc ni plus ni moins que de reconstruire la confiance dans le système international et de déterminer des règles du jeu équitables et plus favorables aux pays en développement pour répondre aux enjeux de développement, de lutte contre le changement climatique et de protection de la biodiversité. Des discussions sont ainsi nécessaires à la fois sur la réforme des institutions issues de Bretton Woods qui ne peut plus être active, et sur ce qui dysfonctionne dans le système financier international et ses règles ; le tout en privilégiant un ancrage renforcé dans la réalité et les besoins des pays. Pour être efficace, la réforme du système financier doit mieux appuyer les dynamiques nationales existantes afin de mieux identifier les besoins et de contribuer à une approche cohérente permettant de trouver les solutions au niveau national, qui s’inscrivent dans des trajectoires de développement durable à long terme. 

Ces options, proposées notamment par la société civile, les Nations unies ou l’agenda de Bridgetown, doivent pourtant être analysées et discutées, en traitant les points clés qui empêchent une réforme réussie de l’architecture financière multilatérale : 

  1. l’échelle : répondre aux enjeux de développement, climatiques et environnementaux avant la fin de cette décennie nécessite un afflux massif de capitaux au-delà de ce que les pays peuvent mobiliser aujourd’hui. Au-delà du slogan, « passer de milliards à des milliers de milliards » nécessite un changement d’approche pour atteindre l’échelle ;
  2. l’innovation : des approches et des instruments innovants sont nécessaires pour atteindre cette échelle, inaccessible dans le cadre de la structure actuelle. 
  3. le changement systémique : seule une approche radicale et globale peut permettre d’atteindre l’échelle et l’innovation nécessaires. Esperons que ces nouvelles méthodes et approches ne sont pas là pour la distration comme l’introduction à une nouvelle funte.

Mais à quoi l’on pourrait s’attendre, si certaines limites et imperfections peuvent être corrigées dès cette année, et dans les années à venir malgré le manque de confiance dans le système. Parmi les possibles résultats du sommet pourraient être annoncés un cadre pour la suspension des remboursements de la dette pour les pays frappés par des catastrophes naturelles (voire les pandémies), un état des lieux de la façon dont les pays développés pourraient réacheminer leur allocation de droits de tirage spéciaux du FMI, de nouvelles voies pour réacheminer les DTS, et la présentation et éventuellement l’annonce de nouveaux partenariats pour une transition énergétique juste. Mais des changements progressifs, s’ils sont utiles, ne suffiront pas pour les pays qui en ont le plus besoin, ni pour rétablir la confiance entre les pays du Sud et les pays déjà industrialisés. 

Le chantier étant immense, le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial n’est pas une fin en soi, mais doit contribuer à renforcer une dynamique politique sur un triple horizon temporel :

(1) conforter lors du sommet un cadre politique et des coalitions pour le mettre en œuvre et des premières actions concrètes,

(2) poser les bases pour des décisions plus difficiles en 2023 et 2024 dans le cadre du G20 en s’appuyant sur le leadership des présidences actuelle du G20 (Inde) et à venir (Brésil),

(3) à l’horizon 2030 environ, ouvrir des discussions encore plus difficiles politiquement sur des mécanismes financiers internationaux (comme la création d’un nouveau mécanisme soutenu par des DTS pour accélérer les investissements dans la transition vers une économie sobre en carbone et la résilience) ou la mise à jour des règles du système financier pour mieux assurer la stabilité et la durabilité. Ces discussions sont indispensables pour jeter les bases d’un nouveau système capable de relever les défis communs, nous explique Monsieur Damien BARCHICHE,  directeur du programme du développement durable à l’ONU, sur les colonnes de IDDRI consœur de lecommercial24.

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