Ces nouveaux concurrents des taxis sont nombreux à s’implanter dans la métropole ivoirienne. Avec leurs voitures flambant neuves, ils font le pari du haut de gamme.
Tout de suite reconnus à vue d’œil : direction en bout de course, carrosserie et sièges défoncés, suspension en âge dépassées, vitres électriques fatiguées, boîte de vitesse accrocheuse et chauffeur à la conduite erratique… À Abidjan, il n’est pas rare de voir qu’un taxi ne cumule pas au moins deux ou trois faits de ces « qualités ». Malgré la couleur orange des 12 000 voitures qui sillonnent les bords de la lagune Ébrié à la recherche de clients à transporter.
La capitale économique de la première puissance de l’UEMOA fait pâle figure dans ce domaine. On est loin de l’image de modernité que souhaiteraient promouvoir les pouvoirs publics. Et, malgré leurs récents efforts pour imposer le retour à l’utilisation du compteur, le prix de la course se négocie trop souvent à la tête du client.
C’est sans doute pour cela que le gouvernement accueille favorablement l’arrivée de nouveaux acteurs. Dans le sillage d’Izicab, née en janvier 2015, trois autres sociétés – Africab, TaxiJet et Drive – ont lancé leur application mobile pour la réservation de voitures de transport avec chauffeur (VTC).
Africab, à l’assaut du marché des VTC
Entièrement noires, à l’exception du toit et du nom de la compagnie peinte en jaune et blanc, les Toyota d’Africab sont les derniers VTC à être entrés en service. D’ici à fin avril, Vangsy Goma, le fondateur, qui a investi plus de 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros) dans le projet, disposera d’une soixantaine de voitures, dont la maintenance a été confiée à CFAO. En injectant 400 millions de F CFA supplémentaires, le jeune patron espère porter sa flotte à 180 véhicules à la fin de l’année et dépasser ainsi ses concurrents.
À la différence de UBER le transporteur urbain américain qui a un temps prospecté ce marché, les start-up ivoiriennes ont majoritairement choisi de détenir leur propre parc automobile et de salarier leurs chauffeurs. Même Izicab, qui travaille avec des loueurs comme Hertz, et TaxiJet, qui a mis son application à la disposition des taxis, ont décidé d’adopter ce modèle. « Les particuliers prêts à faire le VTC avec leur véhicule personnel sont encore rares à Abidjan. Et il est en effet plus primordial de maîtriser la qualité de la prestation si l’on veut justifier nos tarifs », estime Vangsy Goma.
Car ici, contrairement à ce qui se pratique dans les grandes villes européennes, les VTC ne proposent pas un service à prix cassé. Au contraire. « Nous nous adressons à une clientèle plutôt aisée », reconnaît Nicéphore Allaglo, fondateur d’Izicab, également actif à Paris. Un trajet entre le Plateau (le quartier d’affaires) et l’aéroport, facturé 9€ et 150 centimes soit 6 000F CFA par un taxi, coûtera environ 10 000 F CFA avec Africab et environ deux fois plus cher avec Drive, qui se positionne sur un créneau encore plus haut de gamme. Ce dernier espère suivre à Abidjan les clients déjà fidélisés par son réseau à Paris, à Londres ou à Genève.
Pour justifier leurs prix, ces compagnies misent sur des véhicules flambant neufs, géo-localisés, équipés de prises pour charger les téléphones, voire du wifi, mais aussi sur les compétences de leurs chauffeurs. « Nous leur faisons repasser le code. Nous les formons à l’éco conduite, et même à la conduite défensive, pour pouvoir assurer la sécurité des passagers si la situation l’exigeait », explique Vangsy Goma.
Pas d’attaque pour concurrence déloyale… jusqu’à maintenant
Le potentiel de ce nouveau marché est difficile à estimer. Il y aurait 500 VTC en circulation, peut-être 1 000 en comptant les entreprises informelles qui louent des voitures avec chauffeur pour une heure ou une semaine. « Toutes les sociétés qui ont lancé leur application ont leur chance », juge Nicéphore Allaglo.
Pour l’heure, les nouveaux VTC ivoiriens, qui n’effectuent que quelques centaines de courses par jour, ne font pas d’ombre aux taxis. D’ailleurs, ces derniers n’ont pas, pour le moment, dénoncé une quelconque concurrence déloyale, contrairement à ce qui s’est passé au Kenya et en Afrique du Sud après le lancement d’Uber.
Pour prospérer, ils misent sur les contrats passés avec les entreprises. Air France, Orange, Lafarge Holcim, Bouygues, Bolloré ou Unilever font déjà appel à eux. « Beaucoup de nos clients utilisent nos services quand c’est leur société qui paie la note », reconnaît Demba Diop, PDG de Drive. Mais c’est bien à l’aune de leur succès auprès de la classe moyenne supérieure que sera jugée, en bout de course, la réussite des VTC abidjanais.