La grève de 11.000 scénaristes de télévision et de cinéma américains, qui a débuté mardi, s’inscrit à la fois dans le cadre d’une recrudescence générale de la lutte des classes, d’une remise en cause de la mainmise des conglomérats sur la production cinématographique et télévisuelle, et d’une confrontation avec l’establishment du Parti démocrate qui domine Hollywood.

Les scénaristes américains font face à certains des conglomérats les plus grands et les plus impitoyables du monde, qui sont déterminés à supprimer des emplois et à réduire les coûts aux dépens des travailleurs de la télévision et du cinéma. Dans le cadre du système de profit, l’intelligence artificielle et d’autres technologies qui ont un vaste potentiel d’enrichissement de la vie, seront utilisées pour détruire le niveau et les conditions de vie des travailleurs.

C’est ce qui s’est déjà produit avec la diffusion en continu («streaming»). Le Writers Guild of America (Association des scénaristes américains) reconnaît que les entreprises «ont profité de la transition vers la diffusion en continu pour sous-payer les auteurs, créant ainsi des modèles plus précaires et moins bien rémunérés pour le travail des auteurs». Alors que les sociétés ont engrangé des milliards, la rémunération hebdomadaire médiane des scénaristes-producteurs a diminué de 23% au cours de la dernière décennie, en tenant compte de l’inflation.

Les scénaristes exigent une meilleure rémunération de la part des entreprises et de leurs dirigeants. Amazon (huitième au classement Fortune 500 en 2018) a réalisé en 2022 un chiffre d’affaires de 514 milliards de dollars, Disney (53e au classement Fortune 500 en 2022) a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 83 milliards de dollars, NBC Universal de 39 milliards de dollars, Netflix de 32 milliards de dollars, et ainsi de suite.

Ces entreprises géantes sont elles-mêmes soumises à la pression incessante de Wall Street afin d’augmenter encore leurs marges de profit. Les banques et les investisseurs exigent notamment que les entreprises de médias trouvent un moyen d’accroître les bénéfices des services de diffusion en continu.

Le cabinet d’analyse de Wall Street Moffett Nathanson a déclaré au début de l’année que «les investisseurs et les dirigeants ont accepté le fait que la diffusion en continu n’est, en fait, pas une bonne affaire – du moins par rapport à ce qui se faisait avant». Pour en faire une «bonne affaire», il faut accroître l’exploitation de tous les travailleurs concernés, y compris, en particulier, les scénaristes, nous fait comprendre notre confrère de la Word Socialist Web Site (WSWS) à lecommercial24.

En d’autres termes, les scénaristes sont confrontés au fait qu’ils doivent faire face aux mêmes attaques impitoyables contre leurs emplois et leurs conditions de vie que toutes les sections de la classe ouvrière, aux États-Unis et dans le monde. La cupidité des dirigeants des médias, qui ne manque pas, est secondaire par rapport aux impératifs du système de profit capitaliste.

Les scénaristes ont une histoire combative. Il s’agit de leur septième grève, y compris la grève de 100 jours en 2007-2008, largement couverte par le WSWS. La plupart de ces grèves ont duré des mois.

Les revendications économiques des grévistes sont d’une importance capitale. Cependant, la lutte pour ces revendications soulève des questions sociales, politiques, culturelles et historiques plus profondes, nous relate la WSWS à lecommercial24.

La production télévisuelle et cinématographique est économiquement et culturellement au cœur du capitalisme américain, ainsi que de son image et de sa réputation à l’étranger. La bataille entre les scénaristes et les entreprises de divertissement est aussi une lutte pour le contenu de la vie culturelle. Des personnalités telles que la famille Murdoch de la Fox – que les scénaristes ont dépeinte de manière cinglante dans la série Succession – et leurs homologues dans l’ensemble de l’industrie exercent un contrôle strict sur ce que voit la population américaine et mondiale sur les écrans de télévision et de cinéma.

Le conflit actuel s’inscrit dans le cadre d’une guerre permanente entre les scénaristes et les studios et réseaux, qui dure depuis près d’un siècle. La Screen Writers Guild (ancêtre de la Writers Guild of America West and East) fut fondée en 1933 en réponse aux actions impitoyables des studios hollywoodiens, notamment la réduction de 50% des salaires qu’ils ont imposée en mars de cette année-là.

Les dirigeants des studios s’opposaient farouchement à la syndicalisation des scénaristes, notamment parce qu’ils la considéraient comme une ingérence intolérable dans leur droit de dicter le contenu des films. Pendant la «peur rouge», à la fin des années 1940 et au début des années 1950, les scénaristes ont été la cible privilégiée de la chasse aux sorcières anticommuniste.

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